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dimanche 17 décembre 2017

Le mystère du village de péniches (1928)


Comme souvent, c'est une vieille photo qui a attiré mon attention. Il s'agit d'un cliché issu de la Bibliothèque nationale de France et qui portait les mention suivantes :

"Villeneuve la Garenne : une vue représentant le village de péniches
Agence Meurisse
Editée en 1928"
Source: Bibliothèque nationale de France


Des photos qui m'ont un peu étonné... le titre annonce un village de péniches, mais ce ne semble être que des cabanes.














A tout bien regarder, cela ressemble à des tronçons de péniches !
Auraient-ils gardé juste la partie habitation des bateaux ?

Mes recherches à propos d'un village de péniches ne donnaient pas grand-chose. De même, l'étude de l'histoire de Villeneuve la Garenne n'était pas plus porteuse.

Les photos ayant été faites par une agence de presse, je me suis dit qu'elles devaient bien avoir été publiées et j'ai donc cherché dans la presse.

C'est dans un journal de la même année, 1928, que j'ai retrouvé l'une de ces photos. "Le seul journal quotidien socialiste de Paris, Le Populaire " du jeudi 8 mars 1928, dirigé par Léon Blum :







L'article est signé de Marcel Bidoux (1901-1975, militant socialiste SFIO, futur rédacteur en chef du journal Le Populaire), il porte sur la crise du logement et même s'il y a été écrit il y a presque une centaine d'années et que le style est différent, beaucoup d'aspects sont terriblement d'actualité et je ne résiste pas au plaisir de le partager :

"Une visite matinale au pays des "Riffains" 


La crise des logements est un mal qui date de la fin de la guerre (la première guerre mondiale). A Paris, il est, pour ainsi dire, impossible de se loger, à moins de posséder fortune. Car on ne peut guère trouver d'appartements qu'au dessus de 10 000 francs de loyer. Les propriétaires spéculent. 
La situation d'aggrave du fait qu'on ne construit plus d'immeubles d'habitation. Des cinémas, des garages, des locaux commerciaux. Oh! tant qu'on en veut. Mais des logements, point ! 

Où  mal s'étend


La banlieue à son tour est atteinte par la crise. Cela s'explique, pour une part, par l'afflux de la main d'oeuvre étrangère et le déplacement - dont nous avons déjà montré les causes sociales - des travailleurs parisiens vers la périphérie.
Maintes fois, tant au Parlement qu'à l'Hôtel de Ville, notre parti a proposé des remèdes efficaces. Mais là aussi le médecin n'avait par l'heur de plaire. Périsse plutôt le malade !
Dés lors, on a recours à l'ingéniosité, au système "D" pour suppléer à l'inertie des pouvoirs publics.
Un bel exemple de "débrouillage" dans cet ordre de choses, c'est celui que place sous nos yeux toute une colonie étrangère à Gennevilliers.

A Gennevilliers


Quai d'Argenteuil, à Gennevilliers. 
La matinée est vaguement ensoleillée. La Seine roule des eaux d'un vert sale. Ses rives boueuses sont bordées de maisons noirâtres, patinées de grisailles ; d'ateliers dont la façade semble avoir été brossée à la suie. Sur les talus, de chaque côté du fleuve, pas d'herbe, ou si peu !
Un pâle rayon de soleil essaye d'éclairer ce triste paysage. Il y perd son hésitant éclat. On dirait qu'un vaste incendie a tout brulé.

Au "Maroc"


Le "Maroc". C'est maintenant comme un quartier de Gennevilliers. Mais nul rapport avec les blanches cités de Fez, Télouan ou Tanger. Là, grouille une population de races mêlées qui donnent d'ailleurs réciproquement preuve d'un pacifisme louable. Marocains, Espagnols, Japonais, Chinois, Italiens vivent en effet en bon voisinage. Ils sont logés, d'aucuns dans des cabines de péniches désaffectées montés avec des moyens de fortune.
Eux aussi sont exploités. Je suis entré dans une de ces cabines. Elle était habitée par un fils du ciel dont les yeux bridés laissaient fuir des éclairs de malice. Il fumait un énorme cigare à bon marché. 

Le village de péniches :


Bien que Chinois, il mâchonne avec difficulté un "petit-nègre" par instants inintelligible. J'appris qu'il louait sa cabine cinquante francs par mois. Cinquante francs ! Six cents francs par an ! Deux ou trois fois le prix du bois. Et le pauvre diable, manoeuvre dans une usine, gagne vingt-huit francs par jour. Avec ce gain, il lui faut nourrir sa famille : une femme et deux gosses.
D'autres, plus heureux - il vaudrait mieux dire malheureux - ont pu se rendre propriétaires de leur "cagna" achetée lors de la démolition d'un bateau.
Ils sont ainsi plus de cinq cents logés dans ces conditions au "Maroc", appelé aussi le "Pays des Riffains".


Une seule boutique : un bistrot


Ils sont chaque jour desservis par le laitier, le boulanger, le boucher, le marchand de charbon, car il n' a pas de magasin dans la cité. Mais il y a un bistrot tenu par un Belge. Il fait l'angle du quai d'Argenteuil et de la rue du père Henri, laquelle ne figure d'ailleurs pas dans les indicateurs du pays. Les clients sont servis à la lueur clignotante de quelques bougies. Le cabaret flamand de ce village d'aspect cocasse fait recette.

Habitations nautiques

Un peu plus loin, sur la Seine, dorment des péniches impropres à la navigation. Des mariniers y ont élu domicile.
Entre le ciel et l'eau...
Mais les bateaux réformés sont chaque jour un peu plus attaqués par l'humidité. Y demeurer longtemps, c'est courir de graves dangers. Déjà des péniches ont coulé sans qu'on puisse intervenir. Un jour ou l'autre, les humbles et braves gens qui s'y sont logés devront les quitter.
Et eux aussi connaitront, le calvaire des locataires expulsés."

Nous avons donc quelques éléments sur ce village de péniches que l'auteur de l'article situe à Gennevilliers, quai d'Argenteuil.
Il s'agit bien de logements fabriqués à partir de morceaux de péniches. Leurs habitants n'étaient pas à priori des mariniers mais des travailleurs venus de différents horizons et qui habitaient ce quartier de Gennevilliers surnommé "le Maroc".


Gennevilliers ou Villeneuve la Garenne ?


Arnaud Montand, que je remercie au passage, nous donne l'explication :
"Le doute sur la commune s'explique : Villeneuve la Garenne était un quartier de Gennevilliers et n'est devenue une commune que dans les années 30.
Le quai d'Argenteuil à Villeneuve la Garenne était l'actuel quai Alfred Sisley. Il mène aux chantiers navals, Van Den Bosch et Van Praet. Le chantier Franco Belge a disparu, remplacé par un quartier d'habitations et par un parc en bord de Seine (avenue du Ponant et promenade haute)."



4 commentaires:

  1. Le doute sur la commune s'explique: Villeneuve La Garenne était un quartier de Gennevilliers et n'est devenue une commune que dans les années 30.
    Le quai d'Argenteuil à Villeneuve la Garenne était l'actuel quai Alfred Sisley. Il mène aux chantiers navals, Van Den Bosch et Van Praet. Le chantier Franco Belge a disparu, remplacé par un quartier d'habitations et un parc en bord de Seine. (avenue du Ponant et promenade haute)

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  2. Merci pour ces intéressantes précisions que je vais inclure dans l'article ;)

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  3. moi même né a vlg depuis 1952,et mes parents depuis depuis 1928 aussi a vlg ,mes grand parents arrivé depuis 1914 anciens en péniche,merci pour cette histoire,

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