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dimanche 13 mars 2016

Le bateau paradoxal : bateau à turbine aérienne (1922)



Le 4 novembre 1922
Expériences d'un bateau à turbines aériennes
Le Bois-Rosé sur la Seine
Photographies nég. sur verre
Agence Rol
Bibliothèque nationale de France

Le bateau paradoxal : faire avancer un bateau fonctionnant grâce au vent contre le vent !






Comment avancent les voiliers ?


Ces bateaux, en déployant de larges surfaces de toile, utilisent le vent depuis le vent arrière jusqu'au "plus prés" comme disent les marins. Mais entre ce "plus prés" et le vent debout qui les condamne à l'immobilité, il existe un certain azimut (angle mort), sous lequel il est impossible de naviguer directement.

Pour progresser, les navires sont obligés de tirer des bordées, de louvoyer, c'est à dire de suivre une route sinueuse basculant d'un côté à l'autre de la ligne droite. Ce système de bordées accroit les difficultés de navigation  lorsque le voilier doit pénétrer dans un étroit chenal, franchir une passe, ou suivre un chemin déterminé si le vent n'est pas bien orienté.
Ce problème d'avancer directement contre le vent en utilisant le vent lui-même comme force motrice a longtemps hanté le cerveau des chercheurs, et une manière de le résoudre était de substituer aux voiles fixes des voiles mobiles, des voiles tournantes, identiques aux ailes des moulins à vent. Il était cependant demeuré sans solution pratique, jusqu'aux essais d'un ingénieur français. 



Une solution ?


En 1901, cet ingénieur, Louis Constantin (1), avait construit un petit jouet mécanique qui, placé sur une table, avançait vivement contre le vent, lorsqu'on soufflait dessus ; et ce joujou, qui comprenait un moteur à vent, une transmission et un propulseur, renfermait la solution du problème.

Plus tard, en 1909, Constantin, ayant eu l'occasion d'étudier la théorie des hélices de Drzewiecki, en fit l'application à son appareil et se convainquit bientôt que les rendements d'une turbine à vent étaient sans doute susceptibles d'applications nautiques. C'est alors qu'il prit un premier brevet (24 février 1910) "sur un bateau muni d'un moteur à vent et d'une hélice marine et pouvant avancer contre le vent sans louvoyer". Il fit construire un petit chariot de démonstration, qui excita vivement l'intérêt des savants et mécaniciens et fut le sujet d'ardentes discussions dans les journaux techniques. Painlevé lui consacra une étude dans "la technique aéronautique" et Lecornu en fit une description dans son cours de l'Ecole Polytechnique : c'est dire l'importance qu'attachait la science à ces essais.
Cependant, faute de moyens financiers suffisants, Constantin se trouva dans l'impossibilité de remplacer ses petits essais par des démonstrations grandeur nature et ce, même avec l'aide du syndicat qui s'était crée pour l'étude de ce problème mais dont la guerre vint interrompre les travaux.

Un autre ingénieur, Raymond Joessel (2), s'était attaqué au même problème : Après des essais en laboratoire intéressants et sans connaitre les expériences de Constantin, il avait réalisé en 1917 un radeau expérimental progressant contre le vent. En 1918, c'est un petit sloop de 2 tonneaux, la Drésinette, qui fut équipé d'une hélice aérienne pouvant s'orienter sous tous les angles et dont la surface était susceptible de se réduire ou de se développer presque instantanément. C'est en 1918, pendant une courte permission militaire, que Joessel put effectuer des essais sur l'Erdre près de Nantes avec ce bateau. Ces essais concluants donnèrent lieu à la rédaction d'un mémoire destiné à l'Office des Inventions et aux dépôts de deux brevets:
- l'un sur un système de propulsion des navires par turbines aérienne (19 avril 1918) ;
- l'autre sur un système de navires utilisant la poussée du vent pour remonter directement contre lui (4 mai 1918 sous le n° 497312).

Malgré des essais concluants, Joessel dut également abandonner ses expériences en raison des dépenses élevées qu'elles impliquaient.



L'état s'en mêle :


La Direction des recherches et des inventions qui avait eu connaissance des essais effectués, décida d'en aider la réalisation pratique. J. Breton (3), son directeur, accorda son aide morale et matérielle et regroupa les efforts de ces deux inventeurs qui bénéficièrent également du concours de Daloz (ou Dalloz, selon les sources) dont l'esprit inventif était déjà connu et qui possédait une grande expérience en mécanique.

Cette collaboration allait aboutir à une nouvelle mise au point dont J. Breton fit une communication à l'Académie des sciences (le 23 octobre 1922) et qui allait changer ce que l'on avait longtemps considéré comme un paradoxe.



Un bateau avec un pylône !


Afin d'effectuer une démonstration publique, la direction des inventions fit l'acquisition d'un petit bateau, le Bois-Rosé, de 5 tonneaux de jauge, de 8m50 de longueur et de 1m80 de tirant d'eau.

Ce bateau porte en son milieu un pylône d'acier, muni d'une turbine Levasseur de 9m de diamètre. Cette turbine, par l'intermédiaire de deux trains d'engrenages coniques et d'arbres montés sur roulements à bille, actionne une hélice aquatique en bronze de 1m05 de diamètre. Une girouette, montée à l'extrémité du pylône portant la turbine, transmet électriquement au mécanicien l'orientation que doit prendre l'éolienne pour faire face au vent.
Un gouvernail ordinaire permet de manoeuvrer le bateaux dans tous les vents tandis que le mécanicien dispose d'un volant pour orienter l'éolienne dans la direction favorable.
Le 15 septembre 1922, ce bateau évolua en tous sens au milieu d'un intense trafic pendant trois heures sur la Seine entre les ponts de Saint Cloud et de Suresnes. Les observateurs notent qu'il évolue comme un bateau à moteur thermique avec le seul concours de son aéro-moteur.


Dans le journal de Cherbourg (50) datant du 27 mai 1923, le Bois-Rosé vient faire des essais en mer et Louis Constantin a demandé à la préfecture maritime de Cherbourg le prêt d'un remorqueur de la Direction des mouvements du Port.
Dans cet article, Louis Constantin met en avant les avantages de ce système sur les antiques voiles :
- une vitesse plus grande ;
- ne jamais être arrêté ou retardé par des vents contraires ;
- une extrême simplicité de manoeuvre ;
- des moyens de défense plus efficaces contre le gros temps, etc.

Mais il y a bien évidement des inconvénients à cet ingénieux système, ne serait-ce que l'équipement aussi couteux qu'encombrant ! 

Hélas, il semble qu'un accident de remorquage ait mis fin à l'expérience et je ne sais pas ce qui est advenu du Bois-Rosé.

Un inventeur nantais, Henry Lanaud, aurait repris l'expérience à son compte après la seconde guerre, puis dans les années 80, c'est l'université de Glasgow qui s'y mit et le fruit de cette dernière expérience, un bateau, est conservé au musée maritime d'Irvine, en Ecosse. Néanmoins, quelles que soient les avancées en la matière, elles n'ont pas, à priori, révolutionné la navigation !



Un précédent !


En cherchant bien, il s'avère que si cette invention est bien française, elle est aussi bien plus ancienne !

En effet, dans La Nature (la revue des sciences et de leurs applications à l'art et à l'industrie) figure un article qui précise que l'inventeur de ce bateau paradoxal serait Michel Desplats, un français originaire de la Haute-Garonne. Cet ouvrier charpentier, émigré en Argentine, y avait fait fortune en construisant des escaliers pour Buenos-Aires. Il consacra une partie de cette fortune à la réalisation de différents projets nés de son esprit inventif, et venant en France lors des expositions universelles, il en profita pour essayer de réaliser les fruits de son imagination.
Ainsi, en 1867, il apporta les plans d'un navire comportant des mâts comme un voilier ordinaire mais sur lequel les voiles étaient remplacées par des roues à aubes à axe vertical : actionnées par le vent, ces roues transmettaient la force reçue au moyen d'engrenages d'angle à l'arbre portant l'hélice propulsive.
A Paris, il obtint une subvention sur la caissette particulière de Napoléon III et il fit exécuter un modèle réduit qui fut expérimenté sur la Seine au Pont Royal.
Les essais furent peu concluants : mal lesté, le bateau chavira sous une rafale un peu forte et l'inventeur, en voulant le repêcher, tomba lui-même à l'eau. L'expérience ne fut pas renouvelée mais il n'en reste pas moins acquis qu'en 1867 un français a eu l'idée d'utiliser la force du vent pour actionner l'hélice d'un bateau de manière à naviguer contre le vent et la mise à exécution.



(1) Louis Constantin est né en 1877 dans le Vaucluse, il fait partie des premières promotions d'ingénieur de l'Ecole supérieur d'électricité de Paris mais sa véritable passion est l'aéronautique. Après avoir travaillé en Espagne dans une société électrique, il passe une partie de la première guerre mondiale à la section aéronautique du ministère de la défense.  Il a apporté quelques innovations importantes comme la girouette stabilisatrice qui portera son nom, destinée à prévenir les pilotes de la perte de vitesse de leur appareil, "l'aile à fente" et "l'avion à incidence variable". A sa mort, en 1956, on le reconnut comme le créateur de la technique moderne des éoliennes rapides. Hélas, nos contemporains l'ont oublié. 


(2) Raymond Joessel :
 Adrien, Victor, Joseph, Raymond Joëssel est né le 30 juillet 1871 à Indre (Loire-Atlantique). Il est le fils de l'éminent ingénieur de la Marine (connu pour ses travaux sur les machines, chaudières et gouvernails et surtout auteur de la formule des calculs de gouvernail compensé qui porte son nom). Raymond est lui-même ingénieur civil des mines, chevalier de la Légion d'Honneur et PDG des forges d'Audincourt. Il s'éteindra le 28 mars 1937 à Toulon (Var).




(3) Jules Louis Breton, né le 1er avril 1872 à Courrières (Pas de Calais), est un inventeur et un homme politique français. Militant socialiste, proche de Jaurès, il fut député puis sénateur du Cher. Il dirigea par ailleurs le services des inventions et expériences techniques et fut sous-secrétaire d'état aux inventions intéressant la défense nationale pendant la première guerre mondiale. Membre de l'académie des sciences, ministre de l'hygiène, de l'assistance et de la prévoyance sociale, il fut aussi directeur de l'office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, mieux connu de nos jours sous l'acronyme de CNRS. Atteint d'une grave maladie, il multiplia les inventions et les nouveaux procédés avant de succomber le 2 août 1940.


















Sources :

- Bibliothèque nationale de France
- http://www.futura-sciences.com/magazines/high-tech/infos/dossiers/d/technologie-etonnantes-inventions-savants-1382/page/3/
- https://jack35.wordpress.com/2011/12/02/lhistoire-du-bateau-dans-le-vent/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules-Louis_Breton
- http://eolienne.cavey.org/documents/cahiereole2.pdf




Dans le Journal de Cherbourg (50) du 27 mai 1923 :



























Le Populaire du 28/10/1922 :



Bulletin officiel de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions :













L'Ouest Eclair du 06/11/1922 :



Le Journal des débats du 07/11/1922 :




Le Petit Parisien du 02/11/1924 :











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